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LES ROUGON-MACQUART.

voix de flûte, une voix d’acteur qu’il prenait, quand il parlait aux femmes.

Henriette alors intervint.

— Vous savez nous irons toutes… On dit que vous préparez des merveilles.

— Oh ! des merveilles ! murmura-t-il d’un air de fatuité modeste, je tâche simplement d’être digne de vos suffrages.

Mais elles le pressaient de questions. Madame Bourdelais, madame Guibal, Blanche elle-même, voulaient savoir.

— Voyons, donnez-nous des détails, répétait madame de Boves avec insistance. Vous nous faites mourir.

Et elles l’entouraient, lorsque Henriette remarqua qu’il n’avait seulement pas pris une tasse de thé. Alors, ce fut une désolation ; quatre d’entre elles se mirent à le servir, mais à la condition qu’il répondrait ensuite. Henriette versait, madame Marty tenait la tasse, pendant que madame de Boves et madame Bourdelais se disputaient l’honneur de le sucrer. Puis, quand il eut refusé de s’asseoir, et qu’il commença à boire son thé lentement, debout au milieu d’elles, toutes se rapprochèrent, l’emprisonnèrent du cercle étroit de leurs jupes. La tête levée, les regards luisants, elles lui souriaient.

— Votre soie, votre Paris-Bonheur, dont tous les journaux parlent ? reprit madame Marty, impatiente.

— Oh ! répondit-il, un article extraordinaire, une faille à gros grain, souple, solide… Vous la verrez, mesdames. Et vous ne la trouverez que chez nous, car nous en avons acheté la propriété exclusive.

— Vraiment ! une belle soie à cinq francs soixante ! dit madame Bourdelais enthousiasmée. C’est à ne pas croire.

Cette soie, depuis que les réclames étaient lancées, occupait dans leur vie quotidienne une place considérable. Elles en causaient, elles se la promettaient, travaillées