Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
L’ŒUVRE.

trouvait-il couché sur son divan ? et il promenait ses yeux, encore troubles de sommeil, quand il aperçut, à moitié caché par le paravent, un paquet de jupes. Ah ! oui, cette fille, il se souvenait ! Il prêta l’oreille, il entendit une respiration longue et régulière, d’un bien-être d’enfant. Bon ! elle dormait toujours, et si calme, que ce serait dommage de la réveiller. Il restait étourdi, il se grattait les jambes, ennuyé de cette aventure dans laquelle il retombait, et qui allait lui gâter sa matinée de travail. Son cœur tendre l’indignait, le mieux était de la secouer, pour qu’elle filât tout de suite. Cependant, il passa un pantalon doucement, chaussa des pantoufles, marcha sur la pointe des pieds.

Le coucou sonna neuf heures, et Claude eut un geste inquiet. Rien n’avait bougé, le petit souffle continua. Alors, il pensa que le mieux était de se remettre à son grand tableau : il ferait son déjeuner plus tard, quand il pourrait remuer. Mais il ne se décidait point. Lui qui vivait là, dans un désordre abominable, était gêné par le paquet des jupes, glissées à terre. De l’eau avait coulé, les vêtements étaient trempés encore. Et, tout en étouffant des grognements, il finit par les ramasser, un à un, et par les étendre sur des chaises, au grand soleil. S’il était permis de tout jeter ainsi à la débandade ! Jamais ça ne serait sec, jamais elle ne s’en irait ! Il tournait et retournait maladroitement ces chiffons de femme, s’embarrassait dans le corsage de laine noire, cherchait à quatre pattes les bas, tombés derrière une vieille toile. C’étaient des bas de fil d’Écosse, d’un gris cendré, longs et fins, qu’il examina, avant de les pendre. Le bord de la robe les avait mouillés, eux aussi ; et il les étira, il les passa