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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/149

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L’ŒUVRE.

semblait aviver le bleu. Sous le soleil, couleur de blé mûr, les rangées de marronniers avaient des feuilles neuves, d’un vert tendre, fraîchement verni ; et les bassins avec leurs gerbes jaillissantes, les pelouses correctement tenues, la profondeur des allées et la largeur des espaces, donnaient au vaste horizon un air de grand luxe. Quelques équipages, rares à cette heure, montaient ; pendant qu’un flot de foule, perdu et mouvant comme une fourmilière, s’engouffrait sous l’arcade énorme du Palais-de-l’Industrie.

Quand ils furent entrés, Claude eut un léger frisson, dans le vestibule géant, d’une fraîcheur de cave, et dont le pavé humide sonnait sous les pieds, ainsi qu’un dallage d’église. Il regarda, à droite et à gauche, les deux escaliers monumentaux, et il demanda avec mépris :

— Dis donc, est-ce que nous allons traverser leur saleté de Salon ?

— Ah ! non, fichtre ! répondit Sandoz. Filons par le jardin. Il y a, là-bas, l’escalier de l’Ouest qui mène aux Refusés. 

Et ils passèrent dédaigneusement entre les petites tables de vendeuses de catalogues. Dans l’écartement d’immenses rideaux de velours rouge, le jardin vitré apparaissait, au delà d’un porche d’ombre.

À ce moment de la journée, le jardin était presque vide, il n’y avait du monde qu’au buffet, sous l’horloge, la cohue des gens en train de déjeuner là. Toute la foule se trouvait au premier étage, dans les salles ; et, seules, les statues blanches bordaient les allées de sable jaune, qui découpaient crûment le dessin vert des gazons. C’était un peuple de marbre immobile, que baignait la lumière diffuse, descendue comme