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L’ŒUVRE.

Et ils pressaient le pas, et ils galopaient pour échapper à ce règne encore debout du bitume, condamnant tout en bloc avec leur belle injustice de sectaires, criant qu’il n’y avait là rien, rien, rien !

Enfin, ils s’échappèrent, et ils descendaient au jardin, lorsqu’ils rencontrèrent Mahoudeau et Chaîne. Le premier se jeta dans les bras de Claude.

— Ah ! mon cher, ton tableau, quel tempérament !  

Le peintre, tout de suite, loua la Vendangeuse.

— Et toi, dis donc, tu leur en as fichu par la tête, un morceau !  

Mais la vue de Chaîne, auquel personne ne parlait de sa Femme adultère, et qui errait silencieux, l’apitoya. Il trouvait une mélancolie profonde à l’exécrable peinture, à la vie manquée de ce paysan, victime des admirations bourgeoises. Toujours il lui donnait la joie d’un éloge. Il le secoua amicalement, il cria :

— Très bien aussi, votre machine… Ah ! mon gaillard, le dessin ne vous fait pas peur !

— Non, bien sûr !  déclara Chaîne, dont la face s’était empourprée de vanité, sous les broussailles noires de sa barbe.

Mahoudeau et lui se joignirent à la bande ; et le premier demanda aux autres s’ils avaient vu le Semeur, de Chambouvard. C’était inouï, le seul morceau de sculpture du Salon. Tous le suivirent dans le jardin, que la foule envahissait maintenant.

— Tiens ! reprit Mahoudeau, en s’arrêtant au milieu de l’allée centrale, il est justement devant son Semeur, Chambouvard. 

En effet, un homme obèse était là, campé fortement sur ses grosses jambes, et s’admirant. La tête dans les épaules, il avait une face épaisse et belle