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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/18

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LES ROUGON-MACQUART.

n’osât même pas le montrer ? Et, au travers de la vaste pièce, la nappe de brûlant soleil, tombée des vitres, voyageait, sans être tempérée par le moindre store, coulant ainsi qu’un or liquide sur tous ces débris de meuble, dont elle accentuait l’insoucieuse misère.

Claude finit par trouver le silence lourd. Il voulut dire un mot, n’importe quoi, dans l’idée d’être poli, et surtout pour la distraire de la pose. Mais il eut beau chercher, il n’imagina que cette question :

— Comment vous nommez-vous ?

Elle ouvrit les yeux qu’elle avait fermés, comme reprise de sommeil.

— Christine.

Alors, il s’étonna. Lui non plus n’avait pas dit son nom. Depuis la veille, ils étaient là, côte à côte, sans se connaître.

— Moi, je me nomme Claude.

Et, l’ayant regardée à ce moment, il la vit qui éclatait d’un joli rire. C’était l’échappée joueuse d’une grande fille encore gamine. Elle trouvait drôle cet échange tardif de leurs noms. Puis une autre idée l’amusa.

— Tiens ! Claude, Christine, ça commence par la même lettre.

Le silence retomba. Il clignait les paupières, s’oubliait, se sentait à bout d’imagination. Mais il crut remarquer en elle un malaise d’impatience, et dans la terreur qu’elle ne bougeât, il reprit au hasard, pour l’occuper :

— Il fait un peu chaud.

Cette fois, elle étouffa son rire, cette gaieté native qui renaissait et partait malgré elle, depuis qu’elle se rassurait. La chaleur devenait si forte, qu’elle