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L’ŒUVRE.

lutte littéraire : il gardait son jour, ce jeudi qui datait de sa sortie du collège, au temps des premières pipes. Ainsi qu’il le répétait lui-même, en faisant allusion à sa femme, il n’y avait qu’un camarade de plus.

— Dis donc, mon vieux, avait-il dit franchement à Claude, ça m’ennuie beaucoup…

— Quoi donc ?

— Tu n’es pas marié… Oh ! moi, tu sais, je recevrais bien volontiers ta femme… Mais ce sont les imbéciles, un tas de bourgeois qui me guettent et qui raconteraient des abominations…

— Mais certainement, mon vieux, mais Christine elle même refuserait d’aller chez toi !… Oh ! nous comprenons très bien, j’irai seul, compte là-dessus !

Dès six heures, Claude se rendit chez Sandoz, rue Nollet, au fond des Batignolles ; et il eut toutes les peines du monde à découvrir le petit pavillon que son ami occupait. D’abord, il entra dans une grande maison bâtie sur la rue, s’adressa au concierge, qui lui fit traverser trois cours ; puis, il fila le long d’un couloir entre deux autres bâtisses, descendit un escalier de quelques marches, buta contre la grille d’un étroit jardin : c’était là, le pavillon se trouvait au bout d’une allée. Mais il faisait si noir, il avait si bien failli se rompre les jambes dans l’escalier, qu’il n’osait se risquer davantage, d’autant plus qu’un chien énorme aboyait furieusement. Enfin, il entendit la voix de Sandoz, qui s’avançait en calmant le chien.

— Ah ! c’est toi… Hein ? nous sommes à la campagne. On va mettre une lanterne, pour que notre monde ne se casse pas la tête… Entre, entre… Sacré Bertrand, veux-tu te taire ! Tu ne vois donc pas que c’est un ami, imbécile !