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Page:Emile Zola - L’Œuvre.djvu/33

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L’ŒUVRE.

mier plan. En quatre ou cinq dimanches, le seul jour où il fût libre, la figure se trouverait établie. Déjà, il endossait le veston de velours, lorsqu’il eut une brusque réflexion.

— Dis donc, tu n’as pas déjeuné sérieusement, toi, puisque tu travaillais… Descends manger une côtelette, je t’attends ici.

L’idée de perdre du temps indigna Claude.

— Mais si, j’ai déjeuné, regarde la casserole !… Et puis, tu vois qu’il reste une croûte de pain. Je la mangerai… Allons, allons, à la pose, paresseux !

Vivement, il reprenait sa palette, il empoignait ses brosses, en ajoutant :

— Dubuche vient nous chercher ce soir, n’est-ce pas ?

— Oui, vers cinq heures.

— Eh bien, c’est parfait, nous descendrons dîner tout de suite… Y es-tu à la fin ? La main plus à gauche, la tête penchée davantage.

Après avoir disposé les coussins, Sandoz s’état installé sur le divan, tenant la pose. Il tournait le dos, mais la conversation n’en continua pas moins un moment encore, car il avait reçu le matin même une lettre de Plassans, la petite ville provençale où le peintre et lui s’étaient connus, en huitième, dès leur première culotte usée sur les bancs du collège. Puis, tous deux se turent. L’un travaillait, hors du monde, l’autre s’engourdissait, dans la fatigue somnolente des longues immobilités.

C’était à l’âge de neuf ans que Claude avait eu l’heureuse chance de pouvoir quitter Paris, pour retourner dans le coin de Provence où il était né. Sa mère, une brave femme de blanchisseuse, que son fainéant de père avait lâchée à la rue, venait