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LES ROUGON-MACQUART.

— Je t’emmène, continua Fagerolles. Il faut que tu visites mon installation, mon petit hôtel, où tu n’as pas encore mis les pieds, malgré tes promesses… C’est là, tout près, au coin de l’avenue de Villiers. 

Et Claude, dont il avait pris gaiement le bras, dut le suivre. Il était envahi d’une lâcheté, cette idée que son ancien camarade pourrait le faire recevoir, l’emplissait à la fois de honte et de désir. Sur l’avenue, devant le petit hôtel, il s’arrêta, pour en regarder la façade, un découpage coquet et précieux d’architecte, la reproduction exacte d’une maison renaissance de Bourges, avec les fenêtres à meneaux, la tourelle d’escalier, le toit historié de plomb. C’était un vrai bijou de fille ; et il demeura surpris, lorsque, en se retournant, il aperçut, à l’autre bord de la chaussée, l’hôtel royal d’Irma Bécot, où il avait passé une nuit dont le souvenir lui restait comme un rêve. Vaste, solide, presque sévère, ce dernier gardait une importance de palais, en face de son voisin, l’artiste, réduit à une fantaisie de bibelot.

— Hein ? cette Irma, dit Fagerolles, avec une nuance de respect, elle en a, une cathédrale !… Ah ! dame, moi, je ne vends que de la peinture !… Entre donc. 

L’intérieur était d’un luxe magnifique et bizarre : de vieilles tapisseries, de vieilles armes, un amas de meubles anciens, de curiosités de la Chine et du Japon, dès le vestibule ; une salle à manger, à gauche, toute en panneaux de laque, tendue au plafond d’un dragon rouge ; un escalier de bois sculpté, où flottaient des bannières, où montaient en panaches des plantes vertes. Mais, en haut, l’atelier surtout était une merveille, assez étroit, sans un tableau, entièrement recouvert de portières