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LES ROUGON-MACQUART.

on ne passa plus sans déclarer ça bien parisien.

Ces dos enflés, ces admirations montant en une marée d’échines, finissaient par exaspérer Claude ; et, pris du besoin de voir les têtes dont se composait un succès, il tourna le tas, il manœuvra de façon à s’adosser contre la cimaise. Là, il avait le public de face, dans le jour gris que filait la toile du plafond, éteignant le milieu de la salle ; tandis que la lumière vive, glissée des bords de l’écran, éclairait les tableaux des murs, d’une nappe blanche, où l’or des cadres prenait le ton chaud du soleil. Tout de suite, il reconnut les gens qui l’avaient hué, autrefois : si ce n’était pas ceux-là, c’étaient leurs frères ; mais sérieux, extasiés, embellis de respectueuse attention. L’air mauvais des figures, cette fatigue de la lutte, cette bile de l’envie tirant et jaunissant la peau, qu’il avait remarquées d’abord, s’attendrissaient ici, dans l’unanime régal d’un mensonge aimable. Deux grosses dames, la bouche ouverte, bâillaient d’aise. De vieux messieurs arrondissaient les yeux, d’un air entendu. Un mari expliquait tout bas le sujet à sa jeune femme, qui hochait le menton, dans un joli mouvement du col. Il y avait des émerveillements béats, étonnés, profonds, gais, austères, des sourires inconscients, des airs mourants de tête. Les chapeaux noirs se renversaient à demi, les fleurs des femmes coulaient sur leurs nuques. Et tous ces visages s’immobilisaient une minute, étaient poussés, remplacés par d’autres qui leur ressemblaient, continuellement.

Alors, Claude s’oublia, stupide devant ce triomphe. La salle devenait trop petite, toujours des bandes nouvelles s’y entassaient. Ce n’étaient plus les vides de la première heure, les souffles froids montés