Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/124

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de temps, il acquiesça d’un simple mouvement de tête. Puis, avec son sourire :

— J’espère aussi, cher maître, que vous ne me refuserez pas des conseils. Vous allez être si bien placé, je viendrai aux renseignements.

— C’est ça, conclut Saccard, qui comprit. Au revoir… Ménagez-vous, ne cédez pas trop à la curiosité des dames. 

Et, s’égayant de nouveau, il le congédia par une porte de dégagement, qui lui permettait de renvoyer les gens, sans leur faire retraverser la salle d’attente.

Ensuite, Saccard, étant allé rouvrir l’autre porte, appela Jantrou. D’un coup d’œil, il le vit ravagé, sans ressources, avec une redingote dont les manches s’étaient usées sur les tables des cafés, à attendre une situation. La Bourse continuait d’être une marâtre, et il portait beau pourtant, la barbe en éventail, cynique et lettré, lâchant encore de temps à autre une phrase fleurie d’ancien universitaire.

— Je vous aurais écrit prochainement, dit Saccard. Nous dressons la liste de notre personnel, où je vous ai inscrit un des premiers, et je crois bien que je vous appellerai au bureau des émissions. 

Jantrou l’arrêta d’un geste.

— Vous êtes bien aimable, je vous remercie… Mais j’ai une affaire à vous proposer. 

Il ne s’expliqua pas tout de suite, débuta par des généralités, demanda quelle serait la part des journaux, dans le lancement de la Banque Universelle. L’autre prit feu aux premiers mots, déclara qu’il était pour la publicité la plus large, qu’il y mettrait tout l’argent disponible. Pas une trompette n’était à dédaigner, même les trompettes de deux sous, car il posait en axiome que tout bruit était bon, en tant que bruit. Le rêve serait d’avoir tous les journaux à soi ; seulement, ça coûterait trop cher.

— Tiens ! est-ce que vous auriez l’idée de nous organiser notre publicité. Ce ne serait peut-être pas bête. Nous en causerons.

— Oui, plus tard, si vous voulez… Mais qu’est-ce que vous diriez d’un journal à vous, complètement à vous,