Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

affiche qu’il voulait absolument coller en bas, à la porte…

— Mais c’est impossible ! cria Jordan. Je n’ai rien reçu, il y a d’autres formalités.

— Ah ! oui, tu t’y connais encore moins que moi. Quand il vient des papiers, tu ne les lis seulement pas… Alors, pour qu’il ne collât pas l’affiche, je lui ai donné deux francs, et j’ai couru, et j’ai voulu te prévenir tout de suite. 

Ils se désespérèrent. Leur pauvre petit ménage de l’avenue de Clichy, ces quatre meubles d’acajou et de reps bleu qu’ils avaient payés si difficilement à tant par mois, dont ils étaient si fiers, bien qu’ils en riaient parfois, le trouvant d’un goût bourgeois abominable ! Ils l’aimaient, parce qu’il avait fait partie de leur bonheur, dès la nuit des noces, dans ces deux étroites pièces, si ensoleillées, si ouvertes à l’espace, là-bas, jusqu’au mont Valérien ; et lui qui avait planté tant de clous, et elle qui s’était ingéniée à draper de l’andrinople, pour donner au logement un air artiste ! Était-ce possible qu’on allait leur vendre tout ça, qu’on les chasserait de ce coin gentil, où même la misère leur était délicieuse ?

— Écoute, dit-il, je comptais demander une avance, je vais faire ce que je pourrai, mais je n’ai pas beaucoup d’espoir.

Alors, hésitante, elle lui confia son idée.

— Moi, voici à quoi j’avais songé… Oh ! je ne l’aurais pas fait sans que tu veuilles bien ; et la preuve, c’est que je suis venue pour en causer avec toi… Oui, j’ai envie de m’adresser à mes parents. 

Vivement, il refusa.

— Non, non, jamais ! Tu sais que je ne veux rien leur devoir. 

Certes, les Maugendre restaient très convenables. Mais il gardait sur le cœur leur attitude refroidie, lorsque, après le suicide de son père, dans l’écroulement de sa fortune, ils n’avaient consenti au mariage depuis longtemps projeté de leur fille, que sur la volonté formelle de cette dernière, et en prenant contre lui des précau-