Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/239

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— Oh ! oui, oui, remarié… La fille d’un magistrat, une Béraud du Châtel… Renée, pas une mère pour moi, une bonne amie… 

Puis, d’un mouvement familier, s’asseyant près d’elle :

— Voyez-vous, il faut comprendre papa. Il n’est pas, mon Dieu ! pire que les autres. Seulement, ses enfants, ses femmes, enfin tout ce qui l’entoure, ça ne passe pour lui qu’après l’argent… Oh ! entendons-nous, il n’aime pas l’argent en avare, pour en avoir un gros tas, pour le cacher dans sa cave. Non ! s’il en veut faire jaillir de partout, s’il en puise à n’importe quelles sources, c’est pour le voir couler chez lui en torrents, c’est pour toutes les jouissances qu’il en tire, de luxe, de plaisir, de puissance… Que voulez-vous ? il a ça dans le sang, il nous vendrait, vous, moi, n’importe qui, si nous entrions dans quelque marché. Et cela en homme inconscient et supérieur, car il est vraiment le poète du million, tellement l’argent le rend fou et canaille, oh ! canaille dans le très grand !

C’était bien ce que madame Caroline avait compris, et elle écoutait Maxime, en approuvant d’un hochement de tête. Ah ! l’argent, cet argent pourrisseur, empoisonneur, qui desséchait les âmes, en chassait la bonté, la tendresse, l’amour des autres ! Lui seul était le grand coupable, l’entremetteur de toutes les cruautés et de toutes les saletés humaines. À cette minute, elle le maudissait, l’exécrait dans la révolte indignée de sa noblesse et de sa droiture de femme. D’un geste, si elle en avait eu le pouvoir, elle aurait anéanti tout l’argent du monde, comme on écraserait le mal d’un coup de talon, pour sauver la santé de la terre.

— Et votre père s’est remarié, répéta-t-elle au bout d’un silence, d’une voix lente et embarrassée, dans un éveil confus de souvenirs.

Qui donc, devant elle, avait fait allusion à cette histoire ? Elle n’aurait pu le dire : une femme sans doute, quelque amie, aux premiers temps de son installation rue Saint-Lazare, lorsque le nouveau locataire était venu habiter le premier étage. Ne s’agissait-il pas d’un mariage