Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/323

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cette mauvaise éducation ! On le prenait donc pour un imbécile !

— Pas un sou ! cria-t-il, entendez-vous, ne comptez pas tirer un sou de ma poche !

Busch, blême, s’était mis debout devant sa table.

— C’est ce que nous verrons. Je vous traînerai en justice.

— Ne dites donc pas de bêtises. Vous savez bien que la justice ne s’occupe pas de ces choses-là… Et, si vous espérez me faire chanter, c’est encore plus bête, parce que, moi, je me fiche de tout. Un enfant ! mais je vous dis que ça me flatte ! 

Et, comme la Méchain bouchait la porte, il dut la bousculer, l’enjamber, pour sortir. Elle suffoquait, elle lui jeta dans l’escalier, de sa voix de flûte :

— Canaille ! sans cœur !

— Vous aurez de nos nouvelles !  hurla Busch, qui referma la porte à la volée.

Saccard était dans un tel état d’excitation, qu’il donna l’ordre à son cocher de rentrer directement, rue Saint-Lazare. Il avait hâte de voir madame Caroline, il l’aborda sans une gêne, la gronda tout de suite d’avoir donné les deux mille francs.

— Mais, ma chère amie, jamais on ne lâche de l’argent comme ça… Pourquoi diable avez-vous agi sans me consulter ? 

Elle, saisie qu’il sût enfin l’histoire, demeurait muette. C’était bien l’écriture de Busch qu’elle avait reconnue, et maintenant elle n’avait plus rien à cacher, puisqu’un autre venait de lui éviter le souci de la confidence. Cependant, elle hésitait toujours, confuse pour cet homme qui l’interrogeait si à l’aise.

— J’ai voulu vous éviter un chagrin… Ce malheureux enfant était dans une telle dégradation !… Depuis longtemps, je vous aurais tout raconté, sans un sentiment…

— Quel sentiment ?… Je vous avoue que je ne comprends pas. 

Elle n’essaya pas de s’expliquer, de s’excuser davan-