Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/13

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Pourquoi as-tu donc refusé au président d’aller passer deux ou trois jours à Doinville ?

Son esprit, dans le bien-être de la digestion, venait de refaire leur visite du matin, tout près de la gare, à l’hôtel de la rue du Rocher ; et il s’était revu dans le grand cabinet sévère, il entendait encore le président leur dire qu’il partait le lendemain pour Doinville. Puis, comme cédant à une idée soudaine, il leur avait offert de prendre le soir même, avec eux, l’express de six heures trente, et d’emmener ensuite sa filleule là-bas, chez sa sœur, qui la réclamait depuis longtemps. Mais la jeune femme avait allégué toutes sortes de raisons, qui l’empêchaient, disait-elle.

— Tu sais, moi, continua Roubaud, je ne voyais pas de mal à ce petit voyage. Tu aurais pu y rester jusqu’à jeudi, je me serais arrangé… N’est-ce pas ? dans notre position, nous avons besoin d’eux. Ce n’est guère adroit, de refuser leurs politesses ; d’autant plus que ton refus a eu l’air de lui causer une vraie peine… Aussi n’ai-je cessé de te pousser à accepter, que lorsque tu m’as tiré par mon paletot. Alors, j’ai dit comme toi, mais sans comprendre… Hein ! pourquoi n’as-tu pas voulu ?

Séverine, les regards vacillants, eut un geste d’impatience.

— Est-ce que je puis te laisser tout seul ?

— Ce n’est pas une raison… Depuis notre mariage, en trois ans, tu es bien allée deux fois à Doinville, passer ainsi une semaine. Rien ne t’empêchait d’y retourner une troisième.

La gêne de la jeune femme croissait, elle avait détourné la tête.

— Enfin, ça ne me disait pas. Tu ne vas pas me forcer à des choses qui me déplaisent.

Roubaud ouvrit les bras, comme pour déclarer qu’il ne la forçait à rien. Pourtant, il reprit :