Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/152

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déboucher de la porte cochère. Je craignais d’avoir mal compris… Vous m’aviez bien dit au coin de la rue Saussure…

Et, sans attendre sa réponse, levant les yeux sur la maison :

— C’est donc là que vous demeurez ?

Il avait, sans le lui dire, fixé ainsi le rendez-vous devant sa porte, parce que le Dépôt, où ils devaient aller ensemble, se trouvait presque en face. Mais sa question le gêna, il s’imagina qu’elle allait pousser la bonne camaraderie jusqu’à lui demander de voir sa chambre. Celle-ci était si sommairement meublée et si en désordre, qu’il en avait honte.

— Oh ! je ne demeure pas, je perche, répondit-il. Dépêchons-nous, je crains que le chef ne soit déjà sorti.

En effet, lorsqu’ils se présentèrent à la petite maison que ce dernier occupait, derrière le Dépôt, dans l’enceinte de la gare, ils ne le trouvèrent pas ; et, inutilement, ils allèrent de hangar en hangar : partout on leur dit de revenir vers quatre heures et demie, s’ils voulaient être certains de le rencontrer, aux ateliers de réparation.

— C’est bien, nous reviendrons, déclara Séverine.

Puis, quand elle fut de nouveau dehors, seule en compagnie de Jacques :

— Si vous êtes libre, ça ne vous fait rien que je reste à attendre avec vous ?

Il ne pouvait refuser, et d’ailleurs, malgré l’inquiétude sourde qu’elle lui causait, elle exerçait sur lui un charme grandissant et si fort, que la maussaderie volontaire où il s’était promis de s’enfermer, s’en allait à ses doux regards. Celle-là, avec sa longue figure tendre et peureuse, devait aimer comme un chien fidèle, qu’on n’a pas même le courage de battre.

— Sans doute, je ne vous quitte pas, répondit-il d’un ton moins brusque. Seulement, nous avons plus d’une