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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/221

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Une portière s’ouvrit, la jolie dame brune sauta, affolée, croyant à un accident. Son mari, le négociant âgé, qui la suivit, criait :

— J’écrirai au ministre, c’est une indignité !

Des pleurs de femmes, des voix furieuses d’hommes sortaient des voitures, dont les glaces se baissaient violemment. Et il n’y avait que les deux petites Anglaises qui s’égayaient, l’air tranquille, souriantes. Comme le conducteur-chef tâchait de rassurer tout le monde, la cadette lui demanda, en français, avec un léger zézaiement britannique :

— Alors, monsieur, c’est ici qu’on s’arrête ?

Plusieurs hommes étaient descendus, malgré l’épaisse couche où l’on enfonçait jusqu’au ventre. L’Américain se retrouva ainsi avec le jeune homme du Havre, tous deux s’étant avancés vers la machine, pour voir. Ils hochèrent la tête.

— Nous en avons pour quatre ou cinq heures, avant qu’on la débarbouille de là-dedans.

— Au moins, et encore faudrait-il une vingtaine d’ouvriers.

Jacques venait de décider le conducteur-chef à envoyer le conducteur d’arrière à Barentin, pour demander du secours. Ni lui, ni Pecqueux, ne pouvaient quitter la machine.

L’employé s’éloigna, on le perdit bientôt de vue, au bout de la tranchée. Il avait quatre kilomètres à faire, il ne serait pas de retour avant deux heures peut-être. Et Jacques, désespéré, lâcha un instant son poste, courut à la première voiture, où il apercevait Séverine, qui avait baissé la glace.

— N’ayez pas peur, dit-il rapidement. Vous ne craignez rien.

Elle répondit de même, sans le tutoyer, de crainte d’être entendue :