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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/239

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VIII


À Paris le train n’entra en gare qu’à dix heures quarante du soir. Il y avait eu un arrêt de vingt minutes à Rouen, pour donner aux voyageurs le temps de dîner ; et Séverine s’était empressée d’envoyer une dépêche à son mari, en le prévenant qu’elle ne rentrerait au Havre que par l’express du lendemain soir. Toute une nuit à être avec Jacques, la première qu’ils passeraient ensemble, dans une chambre close, libres d’eux-mêmes, sans crainte d’y être dérangés !

Comme on venait de quitter Mantes, Pecqueux avait eu une idée. Sa femme, la mère Victoire, était à l’hôpital depuis huit jours, pour une foulure grave du pied, à la suite d’une chute ; et, lui ayant en ville un autre lit où coucher, ainsi qu’il le disait en ricanant, il avait trouvé d’offrir leur chambre à madame Roubaud : elle y serait beaucoup mieux que dans un hôtel du voisinage, elle pourrait y rester jusqu’au lendemain soir, comme chez elle. Tout de suite, Jacques s’était rendu compte du côté pratique de l’arrangement, d’autant plus qu’il ne savait où mener la jeune femme. Et, sous la marquise, parmi le flot des voyageurs débarquant enfin, lorsqu’elle s’approcha de la machine, il lui conseilla d’accepter, en lui tendant la clef que le chauffeur lui avait remise. Mais elle hésitait, refusait, gênée par le sourire gaillard de celui-ci, qui savait sûrement.