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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/263

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aux poussées de l’instinct. Tout se brouilla, ses mains révoltées, victorieuses de son effort à les cacher, se dénouèrent, s’échappèrent. Et il comprit si bien que, désormais, il n’était plus leur maître, et qu’elles allaient brutalement se satisfaire, s’il continuait de regarder Séverine, qu’il mit ses dernières forces à se jeter hors du lit, roulant par terre ainsi qu’un homme ivre. Là, il se ramassa, faillit tomber de nouveau, en s’embarrassant les pieds parmi les jupes restées sur le parquet. Il chancelait, cherchait ses vêtements d’un geste égaré, avec la pensée unique de s’habiller vite, de prendre le couteau et de descendre tuer une autre femme, dans la rue. Cette fois, son désir le torturait trop, il fallait qu’il en tuât une. Il ne trouvait plus son pantalon, le toucha à trois reprises avant de savoir qu’il le tenait. Ses souliers à mettre lui donnèrent un mal infini. Bien qu’il fît grand jour maintenant, la chambre lui paraissait pleine de fumée rousse, une aube de brouillard glacial où tout se noyait. Il grelottait de fièvre, et il était habillé enfin, il avait pris le couteau, en le cachant dans sa manche, certain d’en tuer une, la première qu’il rencontrerait sur le trottoir, lorsqu’un froissement de linge, un soupir prolongé qui venait du lit, l’arrêta, cloué près de la table, pâlissant.

C’était Séverine qui s’éveillait.

— Quoi donc, chéri, tu sors déjà ?

Il ne répondait pas, il ne la regardait pas, espérant qu’elle se rendormirait.

— Où vas-tu donc, chéri ?

— Rien, balbutia-t-il, une affaire de service… Dors, je vais revenir.

Alors, elle eut des mots confus, reprise de torpeur, les yeux déjà refermés.

— Oh ! j’ai sommeil, j’ai sommeil… Viens m’embrasser chéri.

Mais il ne bougeait pas, car il savait que, s’il se retour-