Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/269

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des choses qui s’étaient faites en dehors de son vouloir. Puis, le souvenir que la jeune femme l’attendait, le mit debout, d’un saut. Il regarda sa montre, vit qu’il était quatre heures déjà ; et, la tête vide, très calme comme après une forte saignée, il se hâta de retourner à l’impasse d’Amsterdam.

Jusqu’à midi, Séverine avait dormi profondément. Ensuite, réveillée, surprise de ne pas le voir là encore, elle avait rallumé le poêle ; et, vêtue enfin, mourant d’inanition, elle s’était décidée, vers deux heures, à descendre manger dans un restaurant du voisinage. Lorsque Jacques parut, elle venait de remonter, après avoir fait quelques courses.

— Oh ! mon chéri, que j’étais inquiète !

Et elle s’était pendue à son cou, elle le regardait de tout près, dans les yeux.

— Qu’est-il donc arrivé ?

Lui, épuisé, la chair froide, la rassurait tranquillement, sans un trouble.

— Mais rien, une corvée embêtante. Quand ils vous tiennent, ils ne vous lâchent plus.

Alors, baissant la voix, elle se fit humble, câline.

— Figure-toi que je m’imaginais… Oh ! une vilaine idée qui me causait une peine !… Oui, je me disais que peut-être, après ce que je t’avais avoué, tu n’allais plus vouloir de moi… Et voilà que je t’ai cru parti pour ne pas revenir, jamais, jamais !

Les larmes la gagnaient, elle éclata en sanglots, en le serrant éperdument entre ses bras.

— Ah ! mon chéri, si tu savais, comme j’ai besoin qu’on soit gentil avec moi !… Aime-moi, aime-moi bien, parce que, vois-tu, il n’y a que ton amour qui puisse me faire oublier… Maintenant que je t’ai dit tous mes malheurs, n’est-ce pas ? il ne faut pas me quitter, oh ! je t’en conjure !