sées au chemin de fer d’Orléans, il y avait trouvé sa marraine, remariée à un garde-barrière du nom de Misard, exilée avec les deux filles de son premier mariage, dans ce trou perdu de la Croix-de-Maufras. Aujourd’hui, bien qu’âgée de quarante-cinq ans à peine, la belle tante Phasie d’autrefois, si grande, si forte, en paraissait soixante, amaigrie et jaunie, secouée de continuels frissons.
Elle eut un cri de joie.
— Comment, c’est toi, Jacques !… Ah ! mon grand garçon, quelle surprise !
Il la baisa sur les joues, il lui expliqua qu’il venait d’avoir brusquement deux jours de congé forcé : la Lison, sa machine, en arrivant le matin au Havre, avait eu sa bielle rompue, et comme la réparation ne pouvait être terminée avant vingt-quatre heures, il ne reprendrait son service que le lendemain soir, pour l’express de six heures quarante. Alors, il avait voulu l’embrasser. Il coucherait, il ne repartirait de Barentin que par le train de sept heures vingt-six du matin. Et il gardait entre les siennes ses pauvres mains fondues, il lui disait combien sa dernière lettre l’avait inquiété.
— Ah ! oui, mon garçon, ça ne va plus, ça ne va plus du tout… Que tu es gentil d’avoir deviné mon désir de te voir ! Mais je sais à quel point tu es tenu, je n’osais pas te demander de venir. Enfin, te voilà, et j’en ai si gros, si gros sur le cœur !
Elle s’interrompit, pour jeter craintivement un regard par la fenêtre. Sous le jour finissant, de l’autre côté de la voie, on apercevait son mari, Misard, dans un poste de cantonnement, une de ces cabanes de planches, établies tous les cinq ou six kilomètres et reliées par des appareils télégraphiques, afin d’assurer la bonne circulation des trains. Tandis que sa femme, et plus tard Flore, était chargée de la barrière du passage à niveau, on avait fait de Misard un stationnaire.