Celle-ci, favorable aux Roubaud jadis, avait dû abandonner le mari ; mais elle continuait de soutenir la femme, par une sorte de complicité tendre, très tolérante au charme et à l’amour, toute bouleversée de ce romanesque tragique, éclaboussé de sang. Elle fut très nette, pleine du dédain de l’argent. Sa nièce n’avait-elle pas honte de revenir sur cette question de l’héritage ? Séverine coupable, n’étaient-ce pas les prétendus aveux de Roubaud à accepter entièrement, la mémoire du président salie de nouveau ? La vérité, si l’instruction ne l’avait pas si ingénieusement établie, il aurait fallu l’inventer, pour l’honneur de la famille. Et elle parla avec un peu d’amertume de la société de Rouen, où l’affaire faisait tant de bruit, cette société sur laquelle elle ne régnait plus, maintenant que l’âge venait et qu’elle perdait jusqu’à son opulente beauté blonde de déesse vieillie. Oui, la veille encore, chez madame Leboucq, la femme du conseiller, cette grande brune élégante qui la détrônait, on avait chuchoté les anecdotes gaillardes, l’aventure de Louisette, tout ce qu’inventait la malignité publique. À ce moment, M. Denizet étant intervenu, pour lui apprendre que M. Leboucq siégerait comme assesseur aux prochaines assises, les Lachesnaye se turent, ayant l’air de céder, pris d’inquiétude. Mais madame Bonnehon les rassura, certaine que la justice ferait son devoir : les assises seraient présidées par son vieil ami, M. Desbazeilles, à qui ses rhumatismes ne permettaient que le souvenir, et le second assesseur devait être M. Chaumette, le père du jeune substitut qu’elle protégeait. Elle était donc tranquille, bien qu’un mélancolique sourire eût paru sur ses lèvres, en nommant le dernier, dont on voyait depuis quelque temps le fils chez madame Leboucq, où elle l’envoyait elle-même, pour ne pas entraver son avenir.
Lorsque le fameux procès vint enfin, le bruit d’une guerre prochaine, l’agitation qui gagnait la France entière,