Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/74

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une banquette un voyageur endormi, qui ne s’est réveillé que le lendemain matin.

Puis, étouffant un bâillement, il dit qu’il montait se coucher. Et, comme il s’en allait, une brusque curiosité le ramena.

— À propos, votre affaire avec le sous-préfet, c’est fini, n’est-ce pas ?

— Oui, oui, un très bon voyage, je suis content.

— Allons, tant mieux… Et rappelez-vous que le 293 ne part pas.

Quand Roubaud se trouva seul sur le quai, il revint lentement vers le train de Montivilliers, qui attendait. Les portes des salles furent ouvertes, des voyageurs parurent, quelques chasseurs avec leurs chiens, deux ou trois familles de boutiquiers profitant du dimanche, peu de monde en somme. Mais, ce train-là parti, le premier de la journée, il n’eut pas de temps à perdre, il dut immédiatement faire former l’omnibus de cinq heures quarante-cinq, un train pour Rouen et Paris. À cette heure matinale, le personnel étant peu nombreux, la besogne du sous-chef de service se compliquait de toutes sortes de soins. Lorsqu’il eut surveillé la manœuvre, chaque voiture prise au remisage, mise sur le chariot que des hommes poussaient et amenaient sous la marquise, il dut courir à la salle de départ, donner un coup d’œil à la distribution des billets et à l’enregistrement des bagages. Une querelle éclatait entre des soldats et un employé, qui nécessita son intervention. Pendant une demi-heure, parmi les courants d’air glacé, au milieu du public grelottant, les yeux gros encore de sommeil, dans cette mauvaise humeur d’une bousculade en pleines ténèbres, il se multiplia, n’eut pas une pensée à lui. Puis, le départ de l’omnibus ayant déblayé la gare, il se hâta de se rendre au poste de l’aiguilleur, s’assurer que tout allait bien de ce côté, car un autre train arrivait, le direct de Paris,