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Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/78

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trer aimable avec son subordonné, qu’il estimait.

— Et, naturellement, à Paris, tout a bien marché ?

— Oui, monsieur, je vous remercie.

Il avait fini par ouvrir la dépêche ; et il ne la lisait pas, il souriait toujours à l’autre, dont la voix s’était assourdie, sous le violent effort qu’il faisait pour maîtriser un tic nerveux qui lui convulsait le menton.

— Nous sommes très heureux de vous garder ici.

— Et moi, monsieur, je suis bien content de rester avec vous.

Alors, comme M. Dabadie se décidait à parcourir la dépêche, Roubaud, dont une légère sueur mouillait la face, le regarda. Mais l’émotion à laquelle il s’attendait, ne se produisait point ; le chef achevait tranquillement la lecture du télégramme, qu’il rejeta sur son bureau : sans doute un simple détail de service. Et tout de suite il continua d’ouvrir son courrier, pendant que, selon l’habitude de chaque matin, le sous-chef faisait son rapport verbal sur les événements de la nuit et de la matinée. Seulement, ce matin-là, Roubaud, hésitant, dut chercher, avant de se rappeler ce que lui avait dit son collègue, au sujet des rôdeurs surpris dans la salle de consigne. Quelques paroles furent encore échangées, et le chef le congédiait d’un geste, lorsque les deux chefs adjoints, celui des bassins et celui de la petite vitesse, entrèrent, venant eux aussi au rapport. Ils apportaient une nouvelle dépêche, qu’un employé venait de leur remettre, sur le quai.

— Vous pouvez vous retirer, dit M. Dabadie, en voyant que Roubaud s’arrêtait à la porte.

Mais celui-ci attendait, les yeux ronds et fixes ; et il ne s’en alla que lorsque le petit papier fut retombé sur la table, écarté du même geste indifférent. Un instant, il erra sous la marquise, perplexe, étourdi. L’horloge marquait huit heures trente-cinq, il n’avait plus de départ