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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

dit rien. On mettrait une ogive avec des vitraux. Ce serait très joli… Vous comprenez, n’est-ce pas ?

Il la contemplait d’un air profond, les mains nouées sur son surplis, la dominant, baissant vers elle sa face grave ; et elle, toujours assise, n’ayant pas la force de se mettre debout, balbutiait davantage, comme surprise dans un sommeil de sa volonté, qu’elle ne pouvait secouer.

— Ce serait encore de la dépense, c’est vrai… On pourrait se contenter de colonnes en pierre tendre, avec une simple moulure… Nous en parlerons au maître maçon, si vous voulez ; il nous dira les prix. Seulement il serait bon de lui régler auparavant son dernier mémoire. C’est deux mille cent et quelques francs, je crois. Nous avons les fonds, madame Paloque me l’a dit ce matin… Tout cela peut s’arranger, monsieur l’abbé.

Elle avait baissé la tête, comme oppressée par le regard qu’elle sentait sur elle. Quand elle la releva et qu’elle rencontra les yeux du prêtre, elle joignit les mains avec le geste d’un enfant qui demande grâce, elle éclata en sanglots. Le prêtre la laissa pleurer, toujours debout, silencieux. Alors, elle tomba à genoux devant lui, pleurant dans ses mains fermées, dont elle se couvrait le visage.

— Je vous en prie, relevez-vous, dit doucement l’abbé Faujas ; c’est devant Dieu que vous vous agenouillerez.

Il l’aida à se relever, il s’assit à côté d’elle. Puis, à voix basse, ils causèrent longuement. La nuit était tout à fait venue, les veilleuses piquaient de leurs pointes d’or les profondeurs noires de l’église. Seul, le murmure de leurs voix mettait un frisson devant la chapelle Sainte-Aurélie. On entendait la parole abondante du prêtre couler longuement, sans arrêt, après chaque réponse faible et brisée de Marthe. Quand ils se levèrent enfin, il parut refuser une grâce qu’elle réclamait avec instance, il la mena du côté de la porte, élevant le ton :