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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

dit-elle avec une moue qui la rendit plus affreuse ; l’abbé Bourrette sauve tout et n’a rien de choquant.

Quand Marthe arriva, ce jour-là, sa mère alla à sa rencontre, mettant quelque affectation à l’embrasser tendrement devant tout le monde. Elle s’était elle-même réconciliée avec Dieu, au lendemain du coup d’État. Il lui sembla que l’abbé Faujas pouvait se hasarder désormais dans le salon vert ; mais il se fit excuser, en parlant de ses occupations, de son amour de la solitude. Elle crut comprendre qu’il se ménageait une rentrée triomphale pour l’hiver suivant. D’ailleurs, les succès de l’abbé grandissaient. Dans les premiers mois, il n’avait eu pour pénitentes que les dévotes du marché aux herbes qui se tient derrière la cathédrale, des marchandes de salades, dont il écoutait tranquillement le patois, sans toujours les comprendre ; tandis que, maintenant, surtout depuis le bruit occasionné par l’œuvre de la Vierge, il voyait, les mardis et les vendredis, tout un cercle de bourgeoises en robes de soie agenouillées autour de son confessionnal. Lorsque Marthe eut naïvement raconté qu’il n’avait pas voulu d’elle, madame de Condamin fit un coup de tête ; elle quitta son directeur, le premier vicaire de Saint-Saturnin, que cet abandon désespéra, et passa bruyamment à l’abbé Faujas. Un tel éclat posa définitivement ce dernier dans la société de Plassans.

Quand Mouret apprit que sa femme allait à confesse, il lui dit simplement :

— Tu fais donc quelque chose de mal à présent, que tu éprouves le besoin de raconter tes affaires à une soutane ?

D’ailleurs, au milieu de toute cette agitation pieuse, il parut s’isoler, se renfermer davantage dans ses habitudes, dans sa vie étroite. Sa femme lui avait reproché de s’être plaint.

— Tu as raison, j’ai eu tort, avait-il répondu. Il ne faut pas faire plaisir aux autres, en leur racontant ses ennuis…