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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/213

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Elle est joliment prise, se dit la Paloque ; c’est indécent, de s’étaler comme ça dans une église… Ah ! voici madame de Condamin.

En effet, madame de Condamin entrait. Elle s’arrêta un instant devant le bénitier, ôtant son gant, se signant d’un geste joli. Sa robe de soie eut un murmure dans l’étroit chemin ménagé entre les chaises. Quand elle s’agenouilla, elle emplit la haute voûte du frisson de ses jupes. Elle avait son air affable, elle souriait aux ténèbres de l’église. Bientôt, il ne resta plus qu’elle et Marthe. L’abbé se fâchait, tapait plus fort contre le bois du confessionnal.

— Madame, c’est à vous, je suis la dernière, murmura obligeamment madame de Condamin, en se penchant vers Marthe, qu’elle n’avait pas reconnue.

Celle-ci tourna la face, une face nerveusement amincie, pâle d’une émotion extraordinaire ; elle ne parut pas comprendre. Elle sortait comme d’un sommeil extatique, les paupières battantes.

— Eh bien ! mesdames, eh bien ? dit l’abbé, qui entrouvrit la porte du confessionnal.

Madame de Condamin se leva, souriante, obéissant à l’appel du prêtre. Mais, l’ayant reconnue, Marthe entra brusquement dans la chapelle ; puis elle tomba de nouveau sur les genoux, demeura là, à trois pas.

La Paloque s’amusait beaucoup ; elle espérait que les deux femmes allaient se prendre aux cheveux. Marthe devait tout entendre, car madame de Condamin avait une voix de flûte ; elle bavardait ses péchés, elle animait le confessionnal d’un commérage adorable. À un moment, elle eut même un rire, un petit rire étouffé, qui fit lever la face souffrante de Marthe. D’ailleurs elle eut promptement fini. Elle s’en allait, lorsqu’elle revint, se courbant, causant toujours, mais sans s’agenouiller.

— Cette grande diablesse se moque de madame Mouret