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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/269

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Ouvrez, ouvrez, madame ! cria-t-elle, la tête perdue, tapant du poing contre la porte.

De grands soupirs répondirent seuls ; puis, un corps tomba, une lutte atroce parut s’engager sur le parquet, au milieu des meubles renversés. Des coups sourds ébranlaient les murs ; un râle passait sous la porte, si terrible que les Faujas et les Trouche se regardèrent en pâlissant.

— C’est son mari qui l’assomme, murmura Olympe.

— Vous avez raison, c’est ce sauvage ! dit la cuisinière. Je l’ai vu, en montant, qui faisait semblant de dormir. Il préparait son coup.

Et heurtant de nouveau la porte des deux poings, à la briser, elle reprit :

— Ouvrez, monsieur. Nous allons faire venir la garde, si vous n’ouvrez pas… Oh ! le gueux, il finira sur l’échafaud !

Alors, les hurlements recommencèrent. Trouche prétendait que le gaillard devait saigner la pauvre dame comme un poulet.

— On ne peut pourtant pas se contenter de frapper, dit l’abbé Faujas en s’avançant. Attendez.

Il mit une de ses fortes épaules contre la porte, qu’il enfonça, d’un effort lent et continu. Les femmes se précipitèrent dans la chambre, où le plus étrange des spectacles s’offrit à leurs yeux.

Au milieu de la pièce, sur le carreau, Marthe gisait, haletante, la chemise déchirée, la peau saignante d’écorchures, bleuie de coups. Ses cheveux dénoués s’étaient enroulés au pied d’une chaise ; ses mains avaient dû se cramponner à la commode avec une telle force, que le meuble se trouvait en travers de la porte. Dans un coin, Mouret debout, tenant le bougeoir, la regardait se tordre à terre, d’un air hébété.

Il fallut que l’abbé Faujas repoussât la commode.

— Vous êtes un monstre ! s’écria Rose en allant montrer