sur toi, je prends mes précautions. Le jour où ton mari lèvera le petit doigt, il aura de mes nouvelles.
Elle ne s’expliquait pas davantage. La vérité était qu’elle rendait visite à toutes les autorités de Plassans. Elle avait ainsi raconté les malheurs de sa fille au maire, au sous-préfet, au président du tribunal, d’une façon confidentielle, en leur faisant jurer une discrétion absolue.
— C’est une mère au désespoir qui s’adresse à vous, murmurait-elle avec une larme ; je vous livre l’honneur, la dignité de ma pauvre enfant. Mon mari tomberait malade, si un scandale public avait lieu, et pourtant je ne puis attendre quelque fatale catastrophe… Conseillez-moi, dites-moi ce que je dois faire.
Ces messieurs furent charmants. Ils la tranquillisèrent, lui promirent de veiller sur madame Mouret, tout en se tenant à l’écart ; d’ailleurs, au moindre danger, ils agiraient. Elle insista particulièrement auprès de M. Péqueur des Saulaies et de M. Rastoil, tous les deux voisins de son gendre, pouvant intervenir sur-le-champ, si quelque malheur arrivait.
Cette histoire de fou raisonnable, attendant le coup de minuit pour devenir furieux, donna un vif intérêt aux réunions des deux sociétés dans le jardin des Mouret. On se montra très empressé de venir saluer l’abbé Faujas. Dès quatre heures, celui-ci descendait, faisant avec bonhomie les honneurs de la tonnelle ; il continuait à s’effacer, répondant par des hochements de tête. Les premiers jours, on ne fit que des allusions détournées au drame qui se passait dans la maison ; mais, un mardi, M. Maffre, qui regardait la façade d’un air inquiet, se hasarda à demander, en désignant d’un coup d’œil une fenêtre du premier étage :
— C’est la chambre, n’est-ce pas ?
Alors, en baissant la voix, les deux sociétés causèrent de l’étrange aventure qui bouleversait le quartier. Le prêtre