boire à leur gré ; ils n’oseraient seulement pas boire leur vin pur ni inviter un ami à venir prendre le café. Seulement, Olympe promit à son mari de lui monter sa portion des desserts. Elle s’emplissait les poches de sucre, elle apportait jusqu’à des bouts de bougie. À cet effet, elle avait cousu de grandes poches de toile, qu’elle attachait sous sa jupe et qu’elle mettait un bon quart d’heure à vider chaque soir.
— Vois-tu, c’est une poire pour la soif, murmurait-elle en entassant les provisions pêle-mêle dans une malle, qu’elle poussait ensuite sous son lit. Si nous venions à nous fâcher avec la propriétaire, nous trouverions là de quoi aller un bout de temps… Il faudra que je monte des pots de confitures et du petit salé.
— Tu es bien bonne de te cacher, répondait Trouche. À ta place, je me ferais apporter tout ça par Rose, puisque tu es la maîtresse.
Lui, s’était donné le jardin. Longtemps il avait jalousé Mouret en le voyant tailler ses arbres, sabler ses allées, arroser ses laitues ; il caressait le rêve d’avoir à son tour un coin de terre, où il bêcherait et planterait à son aise. Aussi, lorsque Mouret ne fut plus là, envahit-il le jardin avec des projets de bouleversements, de transformations complètes. Il commença par condamner les légumes. Il se disait d’âme tendre et aimait les fleurs. Mais le travail de la bêche le fatigua dès le second jour ; un jardinier fut appelé, qui défonça les carrés sous ses ordres, jeta au fumier les salades, prépara le sol à recevoir au printemps des pivoines, des rosiers, des lis, des graines de pied-d’alouette et de volubilis, des boutures d’œillets et de géraniums. Puis, une idée lui poussa : il crut comprendre que le deuil, l’air noir des plates-bandes, leur venait de ces grands buis sombres qui les bordaient, et il médita longuement d’arracher les buis.
— Tu as bien raison, déclara Olympe consultée ; ça res-