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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

les portes, de fouiller les meubles, furetant, chantonnant, emplissant les pièces du vol de ses jupes.

— Elle est partie, et sa rosse de bonne avec elle ! lui cria-t-elle, en s’étalant dans un fauteuil. Hein ? ce serait une fameuse chance, si elles restaient toutes les deux au fond d’un fossé !… N’importe, nous allons être joliment à notre aise pendant quelque temps. Ouf ! c’est bon d’être seuls, n’est-ce pas, Honoré ? Tiens, viens m’embrasser pour la peine ! Nous sommes chez nous, nous pouvons nous mettre en chemise, si nous voulons.

Cependant, Marthe et Rose arrivèrent juste sur le cours Sauvaire comme la voiture de Toulon partait. Le coupé était libre. Quand la domestique entendit sa maîtresse dire au conducteur qu’elle s’arrêterait aux Tulettes, elle ne s’installa qu’en rechignant. La voiture n’avait pas encore quitté la ville qu’elle grognait déjà, répétant de son air revêche :

— Moi qui croyais que vous étiez enfin raisonnable ! Je m’imaginais que nous partions pour Marseille voir monsieur Octave. Nous aurions rapporté une langouste et des clovisses… Ah bien ! je me suis trop pressée. Vous êtes toujours la même, vous allez toujours au chagrin, vous ne savez qu’inventer pour vous mettre la tête à l’envers.

Marthe, dans le coin du coupé, à demi évanouie, s’abandonnait. Une faiblesse mortelle s’emparait d’elle, maintenant qu’elle ne se raidissait plus contre la douleur qui lui brisait la poitrine. Mais la cuisinière ne la regardait même pas.

— Si ce n’est pas une invention baroque d’aller voir monsieur ! reprenait-elle. Un joli spectacle, et qui va vous égayer ! Nous en aurons pour huit jours à ne pas dormir. Vous pourrez bien avoir peur la nuit, du diable si je me lève pour regarder sous les meubles !… Encore, si votre visite faisait du bien à monsieur ; mais il est capable de vous dévisager et d’en crever lui-même. J’espère bien qu’on ne