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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/71

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

croix pour son père, qui avait joué ici une bien jolie farce. Quant à la maison, elle aura été payée à l’aide d’arrangements. Ils auront emprunté à quelque banquier… En tout cas, aujourd’hui, ils sont riches, ils tripotent, ils rattrapent le temps perdu. J’imagine que leur fils est resté en correspondance avec eux, car ils n’ont pas encore commis une seule bêtise.

La voix se tut, pour reprendre presque aussitôt avec un rire étouffé :

— Non, je ris malgré moi, lorsque je lui vois faire ses mines de duchesse, cette sacrée cigale de Félicité !… Je me rappelle toujours le salon jaune, avec son tapis usé, ses consoles sales, la mousseline de son petit lustre couverte de chiures de mouches… La voilà qui reçoit les demoiselles Rastoil à présent. Hein ! comme elle manœuvre la queue de sa robe… Cette vieille-là, mon brave, crèvera un soir de triomphe, au milieu de son salon vert.

L’abbé Faujas avait roulé doucement la tête, de façon à voir ce qui se passait dans le grand salon. Il y aperçut madame Rougon, vraiment superbe, au milieu du cercle qui l’entourait ; elle semblait grandir sur ses pieds de naine, et courber toutes les échines autour d’elle, d’un regard de reine victorieuse. Par instants, une courte pâmoison faisait battre ses paupières, dans les reflets d’or du plafond, dans la douceur grave des tentures.

— Ah ! voici votre père, dit la voix grasse ; voici ce bon docteur qui entre… C’est bien surprenant que le docteur ne vous ait pas raconté ces choses. Il en sait plus long que moi.

— Eh ! mon père a peur que je ne le compromette, reprit l’autre gaiement. Vous savez qu’il m’a maudit, en jurant que je lui ferai perdre sa clientèle… Je vous demande pardon, j’aperçois les fils Maffre, je vais leur serrer la main.

Il y eut un bruit de chaises, et l’abbé Faujas vit un grand