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LA CURÉE

mais elle avait de si jolis yeux, et tout le monde, en somme, savait que, quant à elle, elle était irréprochable, bien qu’un peu trop mêlée aux intrigues des pauvres petites femmes qui la fréquentaient, madame Daste, madame Teissière, la baronne de Meinhold. Maxime voulut avoir le portrait de ces dames ; il en garnit un album qui resta sur la table du salon. Pour embarrasser sa belle-maman, avec cette ruse vicieuse qui était le trait dominant de son caractère, il lui demandait des détails sur les filles, en feignant de les prendre pour des femmes du vrai monde. Renée, morale et sérieuse, disait que c’étaient d’affreuses créatures et qu’il devait les éviter avec soin ; puis elle s’oubliait, et parlait d’elles comme de personnes qu’elle eût connues intimement. Un des grands régals de l’enfant était encore de la mettre sur le chapitre de la duchesse de Sternich. Chaque fois que sa voiture passait, au Bois, à côté de la leur, il ne manquait pas de nommer la duchesse, avec une sournoiserie méchante, un regard en dessous, prouvant qu’il connaissait la dernière aventure de Renée. Celle-ci, d’une voix sèche, déchirait sa rivale ; comme elle vieillissait ! la pauvre femme ! elle se maquillait, elle avait des amants cachés au fond de toutes ses armoires, elle s’était donnée à un chambellan pour entrer dans le lit impérial. Et elle ne tarissait pas, tandis que Maxime, pour l’exaspérer, trouvait madame de Sternich délicieuse. De telles leçons développaient singulièrement l’intelligence du collégien, d’autant plus que la jeune institutrice les répétait partout, au Bois, au théâtre, dans les salons. L’élève devint très fort.

Ce que Maxime adorait, c’était de vivre dans les jupes, dans les chiffons, dans la poudre de riz des femmes. Il