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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/149

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LA CURÉE

joie de Renée. À Longchamp, les jours de courses, lorsqu’elle passait dans sa calèche, elle écoutait avec âpreté, tout en gardant sa hauteur de femme du vrai monde, comment Blanche Muller trompait son attaché d’ambassade avec son coiffeur ; ou comment le petit baron avait trouvé le comte en caleçon dans l’alcôve d’une célébrité maigre, rouge de cheveux, qu’on nommait l’Écrevisse. Chaque jour apportait son cancan. Quand l’histoire était par trop crue, Maxime baissait la voix, mais il allait jusqu’au bout. Renée ouvrait de grands yeux d’enfant à qui l’on raconte une bonne farce, retenait ses rires, puis les étouffait dans son mouchoir brodé, qu’elle appuyait délicatement sur ses lèvres.

Maxime apportait aussi les photographies de ces dames. Il avait des portraits d’actrices dans toutes ses poches, et jusque dans son porte-cigares. Parfois il se débarrassait, il mettait ces dames dans l’album qui traînait sur les meubles du salon, et qui contenait déjà les portraits des amies de Renée. Il y avait aussi là des photographies d’hommes, MM. de Rozan, Simpson, de Chibray, de Mussy, ainsi que des acteurs, des écrivains, des députés qui étaient venus on ne savait comment grossir la collection. Monde singulièrement mêlé, image du tohu-bohu d’idées et de personnages qui traversaient la vie de Renée et de Maxime. Cet album, quand il pleuvait, quand on s’ennuyait, était un grand sujet de conversation. Il finissait toujours par tomber sous la main. La jeune femme l’ouvrait en bâillant, pour la centième fois peut-être. Puis la curiosité se réveillait, et le jeune homme venait s’accouder derrière elle. Alors c’étaient de longues discussions sur les cheveux de l’Écrevisse, le double menton de madame de Meinhold, les yeux de