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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/151

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LA CURÉE

la poudre de riz. Et Maxime finit par cacher la loupe, en déclarant qu’il ne fallait pas se dégoûter comme cela de la figure humaine. La vérité était qu’elle soumettait à un examen trop rigoureux les grosses lèvres de Sylvia, pour laquelle il avait une tendresse particulière. Ils inventèrent un nouveau jeu. Ils posaient cette question : « Avec qui passerais-je volontiers une nuit ? » et ils ouvraient l’album, qui était chargé de la réponse. Cela donnait lieu à des accouplements très réjouissants. Les amies y jouèrent plusieurs soirées. Renée fut ainsi successivement mariée à l’archevêque de Paris, au baron Gouraud, à M. de Chibray, ce qui fit beaucoup rire, et à son mari lui-même, ce qui la désola. Quant à Maxime, soit hasard, soit malice de Renée qui ouvrait l’album, il tombait toujours sur la marquise. Mais on ne riait jamais autant que lorsque le sort accouplait deux hommes ou deux femmes ensemble.

La camaraderie de Renée et de Maxime alla si loin, qu’elle lui conta ses peines de cœur. Il la consolait, lui donnait des conseils. Son père ne semblait pas exister. Puis, ils en vinrent à se faire des confidences sur leur jeunesse. C’est surtout pendant leurs promenades au Bois qu’ils ressentaient une langueur vague, un besoin de se raconter des choses difficiles à dire, et qu’on ne raconte pas. Cette joie que les enfants éprouvent à causer tout bas des choses défendues, cet attrait qu’il y a pour un jeune homme et une jeune femme à descendre ensemble dans le péché, en paroles seulement, les ramenaient sans cesse aux sujets scabreux. Ils y jouissaient profondément d’une volupté qu’ils ne se reprochaient pas, qu’ils goûtaient, mollement étendus aux deux coins de leur voiture, comme des camarades qui