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LA CURÉE

Maison-d’Or, avec quelque bande tapageuse, il entendait la voix de Saccard dans un cabinet voisin.

— Tiens ! papa qui est à côté ! s’écriait-il avec la grimace qu’il empruntait aux acteurs en vogue.

Il allait frapper à la porte du cabinet, curieux de voir la conquête de son père.

— Ah ! c’est toi, disait celui-ci d’un ton réjoui. Entre donc. Vous faites un tapage à ne pas s’entendre manger. Avec qui donc êtes-vous là ?

— Mais il y a Laure d’Aurigny, Sylvia, l’Écrevisse, puis deux autres encore, je crois. Elles sont étonnantes : elles mettent les doigts dans les plats et nous jettent des poignées de salade à la tête. J’ai mon habit plein d’huile.

Le père riait, trouvait cela très drôle.

— Ah ! jeunes gens, jeunes gens, murmurait-il. Ce n’est pas comme nous, n’est-ce pas, mon petit chat ? nous avons mangé bien tranquillement, et nous allons faire dodo.

Et il prenait le menton de la femme qu’il avait à côté de lui, il roucoulait avec son nasillement provençal, ce qui produisait une étrange musique amoureuse.

— Oh ! le vieux serin !… s’écriait la femme. Bonjour, Maxime. Faut-il que je vous aime, hein ! pour consentir à souper avec votre coquin de père… On ne vous voit plus. Venez après-demain matin de bonne heure… Non, vrai, j’ai quelque chose à vous dire.

Saccard achevait une glace ou un fruit, à petites bouchées, avec béatitude. Il baisait l’épaule de la femme, en disant plaisamment :

— Vous savez, mes amours, si je vous gêne, je vais m’en aller… Vous sonnerez quand on pourra rentrer.