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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/171

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LA CURÉE

très émue, le cœur battant délicieusement, comme si elle fût allée à quelque rendez-vous d’amour. Maxime, en toute philosophie, fumait, à moitié endormi dans un coin du fiacre. Il voulut jeter son cigare, mais elle l’en empêcha, et, comme elle cherchait à lui retenir le bras, dans l’obscurité, elle lui mit la main en plein sur la figure, ce qui les amusa beaucoup tous les deux.

— Je te dis que j’aime l’odeur du tabac, s’écria-t-elle. Garde ton cigare… Puis, nous nous débauchons, ce soir… Je suis un homme, moi.

Le boulevard n’était pas encore éclairé. Pendant que le fiacre descendait vers la Madeleine, il faisait si nuit dans la voiture qu’ils ne se voyaient pas. Par instants, lorsque le jeune homme portait son cigare aux lèvres, un point rouge trouait les ténèbres épaisses. Ce point rouge intéressait Renée. Maxime, que le flot du domino de satin noir avait couvert à demi, en emplissant l’intérieur du fiacre, continuait à fumer en silence, d’un air d’ennui. La vérité était que le caprice de sa belle-mère venait de l’empêcher de suivre au café Anglais une bande de dames, résolues à commencer et à terminer là le bal de Blanche Muller. Il était maussade, et elle devina sa bouderie dans l’ombre.

— Est-ce que tu es souffrant ? lui demanda-t-elle.

— Non, j’ai froid, répondit-il.

— Tiens ! moi je brûle. Je trouve qu’on étouffe… Mets un coin de mes jupons sur tes genoux.

— Oh ! tes jupons, murmura-t-il avec mauvaise humeur, j’en ai jusqu’aux yeux.

Mais ce mot le fit rire lui-même, et peu à peu il s’anima. Elle lui conta la peur qu’elle venait d’avoir dans le parc Monceau. Alors elle lui confessa une de ses