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LES ROUGON-MACQUART

nouvelle religion. Maxime ne mettait pas seulement en elle la note aiguë qui s’accordait avec ses toilettes folles ; il était l’amant fait pour cet hôtel, aux larges vitrines de magasin, et qu’un ruissellement de sculptures inondait des greniers aux caves ; il animait ces plâtras, depuis les deux Amours joufflus qui, dans la cour, laissaient tomber de leur coquille un filet d’eau, jusqu’aux grandes femmes nues soutenant les balcons et jouant au milieu des frontons avec des épis et des pommes ; il expliquait le vestibule trop riche, le jardin trop étroit, les pièces éclatantes où l’on voyait trop de fauteuils et pas un objet d’art. La jeune femme, qui s’y était mortellement ennuyée, s’y amusa tout d’un coup, en usa comme d’une chose dont elle n’avait pas d’abord compris l’emploi. Et ce ne fut pas seulement dans son appartement, dans le salon bouton d’or et dans la serre qu’elle promena son amour, mais dans l’hôtel entier. Elle finit par se plaire même sur le divan du fumoir ; elle s’oubliait là, elle disait que cette pièce avait une vague odeur de tabac très agréable.

Elle prit deux jours de réception au lieu d’un. Le jeudi, tous les intrus venaient. Mais le lundi était réservé aux amies intimes. Les hommes n’étaient pas admis. Maxime seul assistait à ces parties fines qui avaient lieu dans le petit salon. Un soir, elle eut l’étonnante idée de l’habiller en femme et de le présenter comme une de ses cousines. Adeline, Suzanne, la baronne de Meinhold et les autres amies qui étaient là se levèrent, saluèrent, étonnées par cette figure qu’elles reconnaissaient vaguement. Puis lorsqu’elles comprirent, elles rirent beaucoup, elles ne voulurent absolument pas que le jeune homme allât se déshabiller. Elles le gardèrent avec ses jupes, le