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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/255

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LA CURÉE

telles, c’est une de mes clientes qui le trouve beaucoup mieux en face de la cheminée. Elle m’a conseillé aussi des rideaux rouges.

— C’est ce que je me disais, les rideaux n’étaient pas de cette couleur… Une couleur bien commune, le rouge.

Et elle mit son binocle, regarda cette pièce qui avait un luxe de grand hôtel garni. Elle vit sur la cheminée de longues épingles à cheveux qui ne venaient certainement pas du maigre chignon de Mme Sidonie. À l’ancienne place où se trouvait le lit, le papier peint se montrait tout éraflé, déteint et sali par les matelas. La courtière avait bien essayé de cacher cette plaie, derrière les dossiers de deux fauteuils ; mais ces dossiers étaient un peu bas, et Renée s’arrêta à cette bande usée.

— Vous avez quelque chose à me dire ? demanda-t-elle enfin.

— Oui, c’est toute une histoire, dit Mme Sidonie, joignant les mains, avec des mines de gourmande qui va conter ce qu’elle a mangé à son dîner. Imaginez-vous que M. de Saffré est amoureux de la belle madame Saccard… Oui, de vous-même, ma mignonne.

Elle n’eut même pas un mouvement de coquetterie.

— Tiens ! dit-elle, vous le disiez si épris de Mme Michelin.

— Oh ! c’est fini, tout à fait fini… Je puis vous en donner la preuve, si vous voulez… Vous ne savez donc pas que la petite Michelin a plu au baron Gouraud ? C’est à n’y rien comprendre. Tous ceux qui connaissent le baron en sont stupéfaits… Et savez-vous qu’elle est en train d’obtenir le ruban rouge pour son mari !… Allez, c’est une gaillarde. Elle n’a pas froid aux yeux, elle n’a besoin de personne pour conduire sa barque.

Elle dit cela avec quelque regret mêlé d’admiration.