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LA CURÉE

Saccard. Vous pouvez montrer votre grande œuvre, le Crédit viticole, cette maison qui est sortie victorieuse de toutes les crises.

— Oui, murmura Mareuil, cela répond à tout.

Le Crédit viticole, en effet, venait de sortir de gros embarras soigneusement cachés. Un ministre très tendre pour cette institution financière, qui tenait la Ville de Paris à la gorge, avait inventé un coup de hausse dont M. Toutin-Laroche s’était merveilleusement servi. Rien ne le chatouillait davantage que les éloges donnés à la prospérité du Crédit viticole. Il les provoquait d’ordinaire. Il remercia M. de Mareuil d’un regard, et, se penchant vers le baron Gouraud, sur le fauteuil duquel il s’appuyait familièrement, il lui demanda :

— Vous êtes bien ? vous n’avez pas trop chaud ?

Le baron eut un léger grognement.

— Il baisse, il baisse tous les jours, ajouta M. Toutin-Laroche à demi-voix, en se tournant vers ces messieurs.

M. Michelin souriait, fermait de temps à autre les paupières, d’un mouvement doux, pour voir son ruban rouge. Les Mignon et Charrier, plantés carrément sur leurs grands pieds, semblaient beaucoup plus à l’aise dans leur habit depuis qu’ils portaient des brillants. Cependant il était près de minuit, l’assemblée s’impatientait ; elle ne se permettait pas de murmurer, mais les éventails battaient plus nerveusement, et le bruit des conversations grandissait.

Enfin, M. Hupel de la Noue reparut. Il avait passé une épaule par l’étroite ouverture, lorsqu’il aperçut madame d’Espanet qui montait enfin sur l’estrade ; ces dames, déjà en place pour le premier tableau, n’attendaient plus