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LA CURÉE

molle, dont le rythme monotone s’affadissait à la longue, redoublait l’exaspération de la jeune femme. Elle gagna le petit salon, tenant Maxime par la main ; et le poussant dans l’escalier qui allait au cabinet de toilette :

— Monte, lui ordonna-t-elle.

Elle le suivit. À ce moment, madame Sidonie, qui avait rôdé toute la soirée autour de sa belle-sœur, étonnée de ses promenades continuelles à travers les pièces, arrivait justement sur le perron de la serre. Elle vit les jambes d’un homme s’enfoncer au milieu des ténèbres du petit escalier. Un sourire pâle éclaira son visage de cire, et, retroussant sa jupe de magicienne pour aller plus vite, elle chercha son frère, bouleversant une figure du cotillon, s’adressant aux domestiques qu’elle rencontrait. Elle trouva enfin Saccard avec M. de Mareuil, dans une pièce contiguë à la salle à manger, et que l’on avait transformée provisoirement en fumoir. Les deux pères parlaient de dot, de contrat. Mais, quand sa sœur lui eut dit un mot à l’oreille, Saccard se leva, s’excusa, disparut.

En haut, le cabinet de toilette était en plein désordre. Sur les sièges traînaient le costume de la nymphe Écho, le maillot déchiré, des bouts de dentelle froissés, des linges jetés en paquet, tout ce que la hâte d’une femme attendue laisse derrière elle. Les petits outils d’ivoire et d’argent gisaient un peu partout ; il y avait des brosses, des limes tombées sur le tapis ; et les serviettes encore humides, les savons oubliés sur le marbre, les flacons laissés débouchés mettaient, dans la tente couleur de chair, une odeur forte, pénétrante. La jeune femme, pour enlever le blanc de ses bras et de ses épaules, s’était trempée dans la baignoire de marbre rose, après les