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LA CURÉE

— Mais c’est une folie ! s’écria-t-il. Nous ne pouvons pas nous en aller ensemble. Tu perds la tête…

— C’est possible. En tout cas, c’est toi et ton père qui me l’avez fait perdre… J’ai besoin de toi et je te prends. Tant pis pour les imbéciles !

Des lueurs rouges luisaient dans ses yeux. Elle continua, s’approchant de nouveau de Maxime, lui brûlant le visage de son haleine :

— Qu’est-ce que je deviendrais donc, si tu épousais la bossue ! Vous vous moqueriez de moi, je serais peut-être forcée de reprendre ce grand dadais de Mussy, qui ne me réchaufferait pas même les pieds… Quand on a fait ce que nous avons fait, on reste ensemble. D’ailleurs, c’est bien clair, je m’ennuie lorsque tu n’es pas là, et comme je m’en vais, je t’emmène… Tu peux dire à Céleste ce que tu veux qu’elle aille chercher chez toi.

Le malheureux tendit les mains, supplia :

— Voyons, ma petite Renée, ne fais pas de bêtises. Reviens à toi… Pense un peu au scandale.

— Je m’en moque, du scandale ! Si tu refuses, je descends dans le salon et je crie que j’ai couché avec toi et que tu es assez lâche pour vouloir maintenant épouser la bossue.

Il plia la tête, l’écouta, cédant déjà, acceptant cette volonté qui s’imposait si rudement à lui.

— Nous irons au Havre, reprit-elle plus bas, caressant son rêve, et de là nous gagnerons l’Angleterre. Personne ne nous embêtera plus. Si nous ne sommes pas assez loin, nous partirons pour l’Amérique. Moi qui ai toujours froid, je serai bien là-bas. J’ai souvent envié les créoles…

Mais à mesure qu’elle agrandissait son projet, la terreur reprenait Maxime. Quitter Paris, aller si loin avec