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LA CURÉE

Elle riait, elle l’attirait à elle, le baisait sur les lèvres, lorsqu’un bruit leur fit tourner la tête. Saccard était debout sur le seuil de la porte.

Un silence terrible se fit. Lentement, Renée détacha ses bras du cou de Maxime ; et elle ne baissait pas le front, elle continuait à regarder son mari de ses grands yeux fixes de morte ; tandis que le jeune homme, écrasé, terrifié, chancelait, la tête basse, maintenant qu’il n’était plus soutenu par son étreinte. Saccard, foudroyé par ce coup suprême qui faisait enfin crier en lui l’époux et le père, n’avançait pas, livide, les brûlait de loin du feu de ses regards. Dans l’air moite et odorant de la pièce, les trois bougies flambaient très haut, la flamme droite, avec l’immobilité d’une larme ardente. Et, coupant seul le silence, le terrible silence, par l’étroit escalier un souffle de musique montait ; la valse, avec ses enroulements de couleuvre, se glissait, se nouait, s’endormait sur le tapis de neige, au milieu du maillot déchiré et des jupes tombées à terre.

Puis le mari avança. Un besoin de brutalité marbrait sa face, il serrait les poings pour assommer les coupables. La colère, dans ce petit homme remuant, éclatait avec des bruits de coups de feu. Il eut un ricanement étranglé, et, s’approchant toujours :

— Tu lui annonçais ton mariage, n’est-ce pas ?

Maxime recula, s’adossa au mur :

— Écoute, balbutia-t-il, c’est elle…

Il allait l’accuser lâchement, rejeter sur elle le crime, dire qu’elle voulait l’enlever, se défendre avec l’humilité et les frissons d’un enfant pris en faute. Mais il n’eut pas la force, les mots se séchaient dans sa gorge. Renée gardait sa roideur de statue, son défi muet. Alors Sac-