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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/349

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LA CURÉE

lequel elle venait de voir disparaître les épaules du père et du fils. Elle ne pouvait détourner les yeux de ce trou. Eh quoi ! ils étaient partis tranquillement, amicalement. Ces deux hommes ne s’étaient pas écrasés. Elle prêtait l’oreille, elle écoutait si quelque lutte atroce ne faisait pas rouler les corps le long des marches. Rien. Dans les ténèbres tièdes, rien qu’un bruit de danse, un long bercement. Elle crut entendre, au loin, les rires de la marquise, la voix claire de M. de Saffré. Alors le drame était fini ? Son crime, les baisers dans le grand lit gris et rose, les nuits farouches de la serre, tout cet amour maudit qui l’avait brûlée pendant des mois, aboutissait à cette fin plate et ignoble. Son mari savait tout et ne la battait même pas. Et le silence autour d’elle, ce silence où traînait la valse sans fin, l’épouvantait plus que le bruit d’un meurtre. Elle avait peur de cette paix, peur de ce cabinet tendre et discret, empli d’une odeur d’amour.

Elle s’aperçut dans la haute glace de l’armoire. Elle s’approcha, étonnée de se voir, oubliant son mari, oubliant Maxime, toute préoccupée par l’étrange femme qu’elle avait devant elle. La folie montait. Ses cheveux jaunes, relevés sur les tempes et sur la nuque, lui parurent une nudité, une obscénité. La ride de son front se creusait si profondément, qu’elle mettait une barre sombre au-dessus des yeux, la meurtrissure mince et bleuâtre d’un coup de fouet. Qui donc l’avait marquée ainsi ? Son mari n’avait pas levé la main, pourtant. Et ses lèvres l’étonnaient par leur pâleur, ses yeux de myope lui semblaient morts. Comme elle était vieille ! Elle pencha le front, et, quand elle se vit dans son maillot, dans sa légère blouse de gaze, elle se contempla, les cils baissés,