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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/372

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LES ROUGON-MACQUART

relations avec lui, pour des besognes que personne au monde ne connaissait.

Au milieu de ces intérêts, de ces soifs ardentes qui ne pouvaient se satisfaire, Renée agonisait. La tante Élisabeth était morte ; sa sœur, mariée, avait quitté l’hôtel Béraud, où son père seul restait debout, dans l’ombre grave des grandes pièces. Elle mangea en une saison l’héritage de la tante. Elle jouait, maintenant. Elle avait trouvé un salon où les dames s’attablaient jusqu’à trois heures du matin, perdant des centaines de mille francs par nuit. Elle dut essayer de boire ; mais elle ne put pas, elle avait des soulèvements de dégoût invincibles. Depuis qu’elle s’était retrouvée seule, livrée à ce flot mondain qui l’emportait, elle s’abandonnait davantage, ne sachant à quoi tuer le temps. Elle acheva de goûter à tout. Et rien ne la touchait, dans l’ennui immense qui l’écrasait. Elle vieillissait, ses yeux se cerclaient de bleu, son nez s’amincissait, la moue de ses lèvres avait des rires brusques, sans cause. C’était la fin d’une femme.

Quand Maxime eut épousé Louise, et que les jeunes gens furent partis pour l’Italie, elle ne s’inquiéta plus de son amant, elle parut même l’oublier tout à fait. Et, quand au bout de six mois Maxime revint seul, ayant enterré « la bossue » dans le cimetière d’une petite ville de la Lombardie, ce fut de la haine qu’elle montra pour lui. Elle se rappela Phèdre, elle se souvint sans doute de cet amour empoisonné auquel elle avait entendu la Ristori prêter ses sanglots. Alors, pour ne plus rencontrer chez elle le jeune homme, pour creuser à jamais un abîme de honte entre le père et le fils, elle força son mari à connaître l’inceste, elle lui raconta que, le jour