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LA CURÉE

ceinture monumentale, le jet d’eau, qui ressemblait au chapiteau tronqué de quelque colonne cyclopéenne. Puis, aux deux bouts, de grands Tornélia élevaient leurs broussailles étranges au-dessus du bassin, leurs bois secs, dénudés, tordus comme des serpents malades, et laissant tomber des racines aériennes, semblables à des filets de pêcheur pendus au grand air. Près du bord, un Pandanus de Java épanouissait sa gerbe de feuilles verdâtres, striées de blanc, minces comme des épées, épineuses et dentelées comme des poignards malais. Et, à fleur d’eau, dans la tiédeur de la nappe dormante doucement chauffée, des Nymphéa ouvraient leurs étoiles roses, tandis que des Euryales laissaient traîner leurs feuilles rondes, leurs feuilles lépreuses, nageant à plat comme des dos de crapauds monstrueux couverts de pustules.

Pour gazon, une large bande de Sélaginelle entourait le bassin. Cette fougère naine formait un épais tapis de mousse, d’un vert tendre. Et, au delà de la grande allée circulaire, quatre énormes massifs allaient d’un élan vigoureux jusqu’au cintre : les Palmiers, légèrement penchés dans leur grâce, épanouissaient leurs éventails, étalaient leurs têtes arrondies, laissaient pendre leurs palmes, comme des avirons lassés par leur éternel voyage dans le bleu de l’air ; les grands Bambous de l’Inde montaient droits, frêles et durs, faisant tomber de haut leur pluie légère de feuilles ; un Ravenala, l’arbre du voyageur, dressait son bouquet d’immenses écrans chinois ; et, dans un coin, un Bananier, chargé de ses fruits, allongeait de toutes parts ses longues feuilles horizontales, où deux amants pourraient se coucher à l’aise en se serrant l’un contre l’autre. Aux angles, il y avait