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LES ROUGON-MACQUART.

les yeux. Notre famille est une sale famille ; c’est triste, mais c’est comme ça. Il n’y a pas jusqu’au petit Maxime, le fils d’Aristide, ce mioche de neuf ans, qui ne me tire la langue quand il me rencontre. Cet enfant battra sa mère un jour, et ce sera bien fait. Va, tu as beau dire, tous ces gens-là ne méritent pas leur chance ; mais ça se passe toujours ainsi dans les familles : les bons pâtissent et les mauvais font fortune.

Tout ce linge sale que Macquart lavait avec tant de complaisance devant son neveu écœurait profondément le jeune homme. Il aurait voulu remonter dans son rêve. Dès qu’il donnait des signes trop vifs d’impatience, Antoine employait les grands moyens pour l’exaspérer contre leurs parents.

— Défends-les ! défends-les ! disait-il en paraissant se calmer. Moi, en somme, je me suis arrangé de façon à ne plus avoir affaire à eux. Ce que je t’en dis, c’est par tendresse pour ma pauvre mère, que toute cette clique traite vraiment d’une façon révoltante.

— Ce sont des misérables ! murmurait Silvère.

— Oh ! tu ne sais rien, tu n’entends rien, toi. Il n’y a pas d’injures que les Rougon ne disent contre la brave femme. Aristide a défendu à son fils de jamais la saluer. Félicité parle de la faire enfermer dans une maison de folles.

Le jeune homme, pâle comme un linge, interrompait brusquement son oncle.

— Assez ! criait-il, je ne veux pas en savoir davantage. Il faudra que tout cela finisse.

— Je me tais, puisque ça te contrarie, reprenait le vieux coquin en faisant le bonhomme. Il y a des choses pourtant que tu ne dois pas ignorer, à moins que tu ne veuilles jouer le rôle d’un imbécile.

Macquart, tout en s’efforçant de jeter Silvère sur les Rougon, goûtait une joie exquise à mettre des larmes de douleur