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LES ROUGON-MACQUART.


— Ça ne sera rien, balbutia-t-il ; je vais aller chercher Pascal, il te guérira. Si tu pouvais te relever… Tu ne peux pas te relever ?

Les soldats ne tiraient plus ; ils s’étaient jetés à gauche, sur les contingents emmenés par l’homme au sabre. Au milieu de l’esplanade vide, il n’y avait que Silvère agenouillé devant le corps de Miette. Avec l’entêtement du désespoir, il l’avait prise dans ses bras. Il voulait la mettre debout ; mais l’enfant eut une telle secousse de douleur qu’il la recoucha. Il la suppliait :

— Parle-moi, je t’en prie. Pourquoi ne me dis-tu rien ?

Elle ne pouvait pas. Elle agita les mains, d’un mouvement doux et lent, pour dire que ce n’était pas sa faute. Ses lèvres serrées s’amincissaient déjà sous le doigt de la mort. Les cheveux dénoués, la tête roulée dans les plis sanglants du drapeau, elle n’avait plus que ses yeux de vivants, des yeux noirs, qui luisaient dans son visage blanc. Silvère sanglota. Les regards de ces grands yeux navrés lui faisaient mal. Il y voyait un immense regret de la vie. Miette lui disait qu’elle partait seule, avant les noces, qu’elle s’en allait sans être sa femme ; elle lui disait encore que c’était lui qui avait voulu cela, qu’il aurait dû l’aimer comme tous les garçons aiment les filles. À son agonie, dans cette lutte rude que sa nature sanguine livrait à la mort, elle pleurait sa virginité. Silvère, penché sur elle, comprit les sanglots amers de cette chair ardente. Il entendit au loin les sollicitations des vieux ossements ; il se rappela ces caresses qui avaient brûlé leurs lèvres, dans la nuit, au bord de la route : elle se pendait à son cou, elle lui demandait tout l’amour, et lui, il n’avait pas su, il la laissait partir petite fille, désespérée de n’avoir pas goûté aux voluptés de la vie. Alors, désolé de la voir n’emporter de lui qu’un souvenir d’écolier et de bon camarade, il baisa sa poitrine de vierge, cette gorge pure et chaste qu’il venait de découvrir. Il ignorait ce buste frisson-