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LES ROUGON-MACQUART.


— C’est toi, Cassoute ? demanda Macquart en interrompant la lecture.

On ne répondit pas ; la porte s’ouvrait toujours.

— Entre donc ! reprit-il avec impatience. Mon brigand de frère est chez lui ?

Alors, brusquement, les deux battants de la porte, poussés avec violence, claquèrent contre les murs, et un flot d’hommes armés, au milieu desquels marchait Rougon, très-rouge, les yeux hors des orbites, envahirent le cabinet en brandissant leurs fusils comme des bâtons.

— Ah ! les canailles, ils ont des armes ! hurla Macquart.

Il voulut prendre une paire de pistolets posés sur le bureau ; mais il avait déjà cinq hommes à la gorge qui le maintenaient. Les quatre rédacteurs de la proclamation luttèrent un instant. Il y eut des poussées, des trépignements sourds, des bruits de chute. Les combattants étaient singulièrement embarrassés par leurs fusils, qui ne leur servaient à rien, et qu’ils ne voulaient pas lâcher. Dans la lutte, celui de Rougon, qu’un insurgé cherchait à lui arracher, partit tout seul, avec une détonation épouvantable, en emplissant le cabinet de fumée ; la balle alla briser une superbe glace, montant de la cheminée au plafond, et qui avait la réputation d’être une des plus belles glaces de la ville. Ce coup de feu, tiré on ne savait pourquoi, assourdit tout le monde et mit fin à la bataille.

Alors, pendant que ces messieurs soufflaient, on entendit trois détonations qui venaient de la cour. Granoux courut à une des fenêtres du cabinet. Les visages s’allongèrent, et tous, penchés anxieusement, attendirent, peu soucieux d’avoir à recommencer la lutte avec les hommes du poste, qu’ils avaient oubliés dans leur victoire. Mais la voix de Roudier cria que tout allait bien. Granoux referma la fenêtre, rayonnant. La vérité était que le coup de feu de Rougon