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LES ROUGON-MACQUART.

— Mais, s’écria-t-il, voilà qui nous convient parfaitement. Il n’y a que quelques mots à changer.

Et, en effet, un quart d’heure suffit, au bout duquel Granoux lut, d’une voix émue :

« Habitants de Plassans, l’heure de la résistance a sonné, le règne de l’ordre est revenu… »

Il fut décidé que l’imprimerie de la Gazette imprimerait la proclamation, et qu’on l’afficherait à tous les coins de rue.

— Maintenant, écoutez, dit Rougon, nous allons nous rendre chez moi ; pendant ce temps, M. Granoux réunira ici les membres du conseil municipal qui n’ont pas été arrêtés, et leur racontera les terribles événements de cette nuit.

Puis il ajouta, avec majesté :

— Je suis tout prêt à accepter la responsabilité de mes actes. Si ce que j’ai déjà fait paraît un gage suffisant de mon amour de l’ordre, je consens à me mettre à la tête d’une commission municipale, jusqu’à ce que les autorités régulières puissent être rétablies. Mais, pour qu’on ne m’accuse pas d’ambition, je ne rentrerai à la mairie que rappelé par les instances de mes concitoyens.

Granoux et Roudier se récrièrent. Plassans ne serait pas ingrat. Car enfin leur ami avait sauvé la ville. Et ils rappelèrent tout ce qu’il avait fait pour la cause de l’ordre : le salon jaune toujours ouvert aux amis du pouvoir, la bonne parole portée dans les trois quartiers, le dépôt d’armes dont l’idée lui appartenait, et surtout cette nuit mémorable, cette nuit de prudence et d’héroïsme, dans laquelle il s’était illustré à jamais. Granoux ajouta qu’il était sûr d’avance de l’admiration et de la reconnaissance de messieurs les conseillers municipaux. Il conclut en disant :

— Ne bougez pas de chez vous ; je veux aller vous chercher et vous ramener en triomphe.

Roudier dit encore qu’il comprenait, d’ailleurs, le tact,