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Page:Emile Zola - La Fortune des Rougon.djvu/371

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LA FORTUNE DES ROUGON.

bruyant que celui du voisin, trouvaient mauvais que leurs hôtes eussent tous les lauriers de la bataille. Ceux mêmes qui avaient hurlé par tempérament, sans rien demander à l’empire naissant, étaient profondément vexés de voir que, grâce à eux, le plus pauvre, le plus taré de tous allait avoir le ruban rouge à la boutonnière. Encore si l’on avait décoré tout le salon !

— Ce n’est pas que je tienne à la décoration, dit Roudier à Granoux, qu’il avait entraîné dans l’embrasure d’une fenêtre. Je l’ai refusée du temps de Louis-Philippe, lorsque j’étais fournisseur de la cour. Ah ! Louis-Philippe était un bon roi, la France n’en trouvera jamais un pareil !

Roudier redevenait orléaniste. Puis il ajouta avec l’hypocrisie matoise d’un ancien bonnetier de la rue Saint-Honoré :

— Mais vous, mon cher Granoux, croyez-vous que le ruban ne ferait pas bien à votre boutonnière ? Après tout, vous avez sauvé la ville autant que Rougon. Hier, chez des personnes très-distinguées, on n’a jamais voulu croire que vous ayez pu faire autant de bruit avec un marteau.

Granoux balbutia un remerciement, et, rougissant comme une vierge à son premier aveu d’amour, il se pencha à l’oreille de Roudier, en murmurant :

— N’en dites rien, mais j’ai lieu de penser que Rougon demandera le ruban pour moi. C’est un bon garçon.

L’ancien bonnetier devint grave et se montra dès lors d’une grande politesse. Vuillet étant venu causer avec lui de la récompense méritée que venait de recevoir leur ami, il répondit très-haut, de façon à être entendu de Félicité, assise à quelques pas, que des hommes comme Rougon « honoraient la Légion d’honneur. » Le libraire fit chorus ; on lui avait, le matin, donné l’assurance formelle que la clientèle du collége lui était rendue. Quant à Sicardot, il